Le sac était plein, la veste et la salopette de quart, les bottes, les pulls, de quoi se protéger de la pluie et du froid. La météo nous annonçait un temps gris, 18 degrés et peu de vent.
En fait ce sera soleil, vent et t-shirt : tant mieux.
Nous avions rendez vous ce jeudi de l’ascension à neuf heures sur le port de Royan pour un week end entre amis à bord de Lady Hawk, le First 30 de Geoffroy. On commence par un petit café sur une terrasse ensoleillée sur la promenade du port. Le temps de s’émerveiller du bleu céleste inattendu, nous faisons ensemble un petit plan de navigation, puis quelques courses d’avitaillement au très joli marché couvert de Royan.
A onze heures nous larguons les amarres. Le faible flux de nord ouest et l’appui du courant de jusant nous emmène vers un mouillage tropical au pied du phare de Cordouan. Deux bancs de sables protègent l’endroit où viennent mouiller les plaisanciers en mal de dépaysement. On est à peine à quelques miles de la civilisation mais déjà c’est un air de vacances ensoleillées dans les mers chaudes. A part la couleur de l’eau tout y est, le paysage, la plage, les dunes, la mer absolument plate, tout ceci renforcé par le magnifique monument du phare. Après avoir renoué avec les qualités nautiques de Lady Hawk, nous sirotons avec délice cette pause méridienne.
Bon ce n’est pas tout, le vent s’est levé et on est là pour naviguer, les coefficients étant élevés les marées sont tout à fait adaptées pour un séjour à Mortagne cette nuit. Ce n’est pas la peine de se presser car ce n’est qu’à quelques miles et avec le flot on arriverait trop tôt en y allant directement. Alors on s’amuse, on va raser les maisons troglodytes de Mescher, au loin sous le vent et le courant on aperçoit une escadre de vieux gréements. On envoi le spi tout neuf pour les rattraper et les observer de plus près. Arrivé en face de Mortagne c’est encore trop tôt, on affale la bulle puis on traverse la Gironde jusqu’à Saint Christoly, c’est fabuleux, du soleil, du vent on n’en revient pas tellement c’est chouette. Le bord de retour nous ramène en plein en face de l’entrée du chenal, une haie de roseaux énormes nous encadre et nous fait un abri pour nous et des centaines d’oiseaux.
Le calme et la sérénité de l’endroit a quelque chose de surprenant et d’envoûtant. Lady Hawk est amarrée à 18h30 au milieu de bateaux et voiliers de tout âge et de toutes tailles. Mortagne ressemble à un repère de bourlingueurs, base arrière de périples transocéaniques, il y a là des coques de toutes matières et de toutes formes, mais une chose en commun, ces bateaux vont loin. Comme Lady Hawk d’ailleurs qui elle a déjà deux tours de l’Atlantique sous la coque – respect !!
Nous avons décidé de se la faire très cool, alors le soir c’est restaurant. Ça tombe bien il y en a quelques uns sur le port. Après une petite promenade le long des quais nous choisissons notre table pour enfin nous raconter l’année trop longue qui s’est écoulée sans qu’on ne se soient vus. Nous nous couchons tôt, la porte du port ne sera ouverte qu’une heure demain matin et à 7h40 ce serait trop tard.
Le réveil sonne à six heures, pour un jour de vacances ça pique un peu. Ce coup dur est vite oublié dès que nous mettons la tête dehors pour faire quelques pas vers une petite douche. La lumière est magique, l’eau est un miroir, une légère brume enveloppe chaleureusement les paysages.
7h30 nous voilà partis. Les couleurs matinales annoncent une belle journée ensoleillée. On se laisse doucement dériver par la marée descendante dans un très léger flux de nord.
Doucement nous longeons Talmont puis traversons jusqu’au Verdon pour y faire une petite promenade à pied et une pause déjeuner au ponton. Goeffroy ne connaît pas le port, c’est l’occasion, l’endroit n’est pas d’un romantisme absolu mais c’est accessible à toute heure ce qui peut être intéressant.
Nous attendons la renverse et en début d’après midi nous envoyons le spi. Le vent est idéal pour remonter la Gironde jusqu’à Blaye. Avec le courant et le vent portant nous atteindrons presque dix nœuds sur le fond en logeant Saint Estèphe, Béchevelle et autre Pauillac. Le vent a levé la mer et le barreur doit rester attentif dans les surfs. Nous affalerons en face de Pauillac, le vent a tourné et cela devient plus tendu à la barre et en plus à la vitesse où nous allons nous allons arriver à mi marée à Blaye ce qui risque de poser un problème avec le courant pour accoster.
Nous longeons l’île de Patiras puis l’île Nouvelle à babord. Bientôt il faut traverser pour s’approcher de l’autre rive. Il faut faire attention au sondeur, il y a des bancs de sable partout dans le coin. Nous enroulons le génois allumons le moteur. Il y a un sacré courant pour traverser à tel point que nous avons douté un moment pouvoir arriver au ponton tellement la dérive était importante. Heureusement Lady Hawk a un bon moteur. Un autre problème est : allons nous avoir une place. C’est tout petit ici et il n’est possible d’amarrer que trois bateaux sous le courant de la passerelle. Nous avons réservé par téléphone mais j’ai bien peur que l’office du tourisme qui gère le ponton ne comprenne rien des problèmes de marins. Nous voilà enfin près de la rive droite, en amont du ponton le courant est quelque peu masqué, nous pouvons réduire les gaz. Il n’y a qu’un petit voilier amarré et nous avons largement la place. La manœuvre est simple et deux minutes plus tard le bateau est en sécurité. La barre bien attachée au centre nous décidons d’une petite visite à la Citadelle. Problème : il y a une porte à code sur la passerelle, nous pouvons sortir mais pas rentrer. On a beau téléphoner à toutes les références officielles, il est 19h00 et tout le monde est déjà couché. Tant pis on va se balader, on verra bien après, on ne va tout de même pas rester coincé sur le bateau.
Le coucher de soleil du haut des remparts de la Citadelle est magnifique, on ne se lasse jamais de ce spectacle.
Nous flânons encore un peu dans les ruelles anciennes à la recherche d’un endroit sympathique pour dîner, ce sera tout en haut sur une placette face à la Gironde. Malheureusement le soir est déjà frais et nous ne pourrons profiter de la terrasse et de la vue. Pour rentrer sur le bateau il me faudra faire une petite grimpette par dessus la barrière – occasion de me sentir un peu Indiana Jones. Demain matin il faudra partir au plus tard à l’étale haute, soit 8h30. Nous nous couchons aussitôt pour profiter d’une bonne nuit.
Samedi matin le réveil sonne à sept heures, il y a encore un sacré jus montant. On a le temps de prendre un bon petit déjeuner. Ce n’est pas la peine de partir trop tôt pour descendre vers Royan et de lutter contre le courant. Nous larguons les amarres à 8h15, nous décidons de longer la rive droite pour descendre vers l’embouchure. C’est la première fois que nous prenons ce chenal plutôt que celui balisé pour les cargos de l’autre côté.
C’est une occasion plaisante d’appliquer les fondamentaux de la navigation sur un plan d’eau inconnu, surtout qu’il nous faut tirer des bords. Il y a des estrans et des haut-fond un peu partout, il faut faire les choses sérieusement. La porte de sortie de ce chenal est presque à Mortagne, en amont il ne me semble pas possible de traverser. Une fois à Mortagne nous restons du côté de la rive droite pour profiter encore une fois de la vue sur Talmont et les maisons troglodytes de Mescher.
Le courant a commencé à s’inverser, la vitesse fond ralenti, le chemin s’allonge vers Royan. Nous tirons un bord carré devant Saint Georges, on ne va tout de même pas finir au moteur. Nous faisons un long bord vers Le Verdon puis virons direction Royan où nous pourrons enfin aller sur un seul bord.
A 17h30 Lady Hawk a retrouvé son catway, nous sommes fourbus de cette journée de soleil passée à la gîte. Sur le quai tout bouge et tangue, nous avons le mal de terre. Nous avons bien mérité une bonne pinte salvatrice sur une terrasse encore baignée de lumière. Il y a du monde partout, cela nous fait un drôle d’effet après ces trois jours de tranquillité. Nous avons laissé passer l’heure pour acheter des jetons de douche, en fouillant dans nos porte monnaie nous en trouvons un qui devrait aller. Un jeton breton pour trois … Goeffroy nous certifie que les douches sont longues, alors on tente … et on réussi.
Un plat de moules-frites nous avait tendu la main sur la terrasse et nous décidons d’en profiter. Encore une fois nous nous couchons avec les poules, on se lèvera en sursaut dimanche matin à 9h45 en regardant une montre, on a quasiment fait le tour du cadran. Nous n’avons plus rien à grignoter à bord, Goeffroy nous emmène déguster une petit déjeuner américain sublime, nous en profitons pour commander des sandwichs et nous voilà repartis sur l’eau pour une dernière balade.
C’est encore au pied du phare de Cordouan que nous jetons la pioche, on voudrait rester là mais hélas demain c’est lundi et nous sommes attendus. Un dernier bord ensoleillé et venté et nous amarrons Lady Hawk à sa place pour un repos bien mérité. Elle nous a encore montré toute ses qualités marines, elle nous a offert une balade de rêve et se fut un plaisir de la piloter. Il est temps de la bichonner et de la laisser dans l’état où nous souhaitons la retrouver la prochaine fois.
C’est avec beaucoup d’émotion que nous quittons le bord et laissons Goeffroy à la gare. Nous aurions aimé que cela dure plus longtemps. En tout cas nous espérons tous nous retrouver bientôt.
Merci à Geoffroy et à Lady Hawk pour ces superbes moments.