Samedi 18 octobre j’étais à Concarneau pour accueillir des apprentis voileux dans le cadre d’un stage « Les bases de la voile », un stage de niveau 1 pour parfait débutant anciennement appelé « Azur ». Nous revenons coucher dans de vrais lits tous les soirs et Nicole acte dans l’ombre pour que nous soyons chouchoutés, c’est très confortable.
Cette première journée est un peu spéciale pour moi car mon copain Karl est aussi sur la base pour participer au stage « Allure plus » et ainsi devenir moniteur. Je rêve du jour où nous irons tous les deux écumer les bases des Glénans et nous tirer la bourre sur des 5,7 ou des coursiers plus grands chacun avec nos propres stagiaires.
Revenons au stage, quatre stagiaires sont inscrits deux garçons, deux filles, le maître de maison de la semaine nous accompagnera aussi sur l’eau tous les jours de la semaine.
Le voilier qui nous est alloué s’appelle Braz c’est un Sun Odyssey 30i Performance, parfait pour le programme du stage.
Une fois la corvée administrative réglée nous nous rendons sur le bateau pour l’inventaire. Évidemment pour des débutants, aussières, écoutes, génois etc… c’est du chinois, alors il faut expliquer chaque ligne, j’ai tout juste le temps d’expliquer deux ou trois nœuds et il nous faut déjà rentrer à la base pour préparer le repas. Il y a une trentaine de stagiaires et moniteurs dans la base tous les soirs cela assure une bonne ambiance très animée et de belles rencontres.
Dimanche tout le monde est impatient d’en découdre avec la mer et d’enfin tirer les premiers bords. Nous larguons les amarres vers onze heures après avoir révisé les nœuds, fait le topo de sécurité, expliqué l’amarrage, l’utilisation d’un winch et ce qu’il faudra faire au retour pour sécuriser le bateau sans se mettre à l’eau. Cela fait beaucoup de vocabulaire et je sens les têtes qui gonflent et les mots qui s’embrouillent.
La météo est clémente ce premier jour, force 1 à 2, de quoi faire avancer le bateau sans que cela ne soit ni trop gîté ni très physique pour les premiers apprentissages. Nous établissons les voiles et éteignons le moteur, ça y est nous y voilà, les sourires se dessinent sur les visages. Princesse trouve cela « Absolument Formidaaable !!! ».
Bâbord, tribord, écoute, drisse, border, choquer, lofer, abattre, j’insiste immédiatement sur les termes marins, cela doit rentrer et être acquis à la fin de la semaine. Et cela marche pour tout le monde ou presque.
Le tableau velleda est sur le pont toute la journée, je profite qu’il y ai que peu de gîte pour expliquer un maximum de trucs, allures, bordure, chute, guindant, etc… Je montre comment virer de bord puis je fais tourner les stagiaires à chaque poste. Princesse trouve que les gants sont « Absolument indispensables ». Moi je trouve que qu’ils n’iraient pas avec sa tenue d’aérobic.
A 14 heures après avoir déjeuné à la cape, Princesse me demande déjà quelle heure on rentre.
Nous reprenons les exercices et envoyons une série d’empannages, Princesse disparaît un bon moment dans la cabine pour envoyer des sms : « Je suis obligée : dit elle ».
Allez on va se faire un petit plaisir, il nous reste un dernier bord au portant pour rentrer, je grée le spi en expliquant ce que je fais, je ferais un topo le moment venu pour remettre toute la procédure à plat. Un des stagiaires a un peu d’expérience à la barre et se débrouille pas mal, cela devient cependant un peu compliqué lorsque après avoir suivi une allure trop abattue il nous faut lofer presque jusqu’au vent de travers et rejoindre la tourelle du Cochon à l’entrée du chenal. Évidemment tout s’y met, le vent monte, le bateau gîte, le spi claque et cela devient trop difficile. Pas le temps de dérouler le génois, je me précipite sur l’écoute de spi en criant, « choquez le bras » (ça ça va) puis « choquer la drisse » … là on en rigole encore … moi : « la drisse, la drisse !!! », le stagiaire : « C’est quoi, c’est où !!! ». Nous ferons exactement la même chose le jeudi et cela ira très calmement. Nous rentrons ensuite tranquillement au port, tout le monde est épuisé mais avec le sourire. De l’amarrage, ils avaient ce jour là déjà tout oublié, les nœuds, comment placer les aussières… Mais ce n’est que le premier jour, c’est normal.
Le lendemain après une bonne nuit de sommeil, ils commencent par observer ce que je fais pour le calcul de marée. C’est eux qui le ferons le lendemain, j’ai juste vérifié et corrigé quelques erreurs mais le principe fût vite compris. C’est pétôle, j’explique comment gréer le solent sur l’étai largable, et nous prenons des ris au ponton, nous en aurons besoin demain mardi car cela va souffler. Tout le monde s’y met et même Princesse fait sa prise de ris guidée pour cela par un autre stagiaire. Enfin un peu d’air et nous partons en mer, l’eau est à peine ridée et il fait un soleil de plomb. Nous répétons les prises de ris et Princesse décide de nous regarder faire entre deux sms. Lorsque son tour vient : « A moi ? Je fais quoi ? Ben … une prise de ris … Le machin là … non ça va j’ai compris je l’ai déjà fait ce matin… ». La matinée et le début d’après midi se passe la faible brise nous emmène raser Penfret et c’est l’heure du retour pour arriver à l’heure ce soir surtout qu’on va sans doute mettre un moment pour rentrer avec ce vent qui ne se lève pas. De temps en temps quelque chose tombe à l’eau : qu’est ce que je suis maladroit ! Petit temps c’est aussi l’occasion de pêcher à la traîne, et nous ramenons un maquereau espagnol à la base. Tous les jours l’apéritif dans la grande salle sera agrémenté de filets de poissons divers pêchés par les bateaux sur l’eau ce jour là.
Le retour de l’archipel se fait au portant, les stagiaires ne tardent pas à demander de faire du spi. D’accord, mais c’est vous qui le montez (le topo n’est pas encore fait). Et cela marche, il faut bien sûr que je donne quelques indications et que je fasse quelques corrections mais le gros du travail est fait correctement. Ce long bord de retour sera riche en explications sur les réglages de cette voile, le peu d’air favorisant la possibilité de répondre à toutes les questions sans avoir besoin de surveiller la voile de façon très concentrée. Je me demande si Princesse a vu la couleur du spi ce jour là. Lorsque l’on arrive près du chenal il est encore trop tôt. On affale le spi, on refait un bord de près jusqu’à Beg mail, encore un bord de spi, encore un bord de près puis un dernier bord de spi. Moi, je me tourne les pouces … génial. Nous voilà rentré au port bien trop tard pour Princesse qui avait des courses à faire, « tu comprends, après, les magasins sont fermés ». Elle m’a aussi demandé dans la journée si il était prévu une visite de musée ou quelque chose comme ça.
Ce genre de questions me désarment complètement, c’est tellement en dehors du cadre que je ne peux même pas simplement répondre : « Tu sais, c’est un cours de voile ». Je reste sans voix atterré par la question.
Mardi, nord ouest 6 rafales à 7 prévu. Certes la baie est abritée et la mer ne sera pas formée, mais qu’en même. Je dois demander la permission de sortir à Olivier et nous sommes d’accord que si, dans le chenal, les conditions sont limite je rentre. Princesse a décidé de rester à terre, hé oui un voilier ça penche quand il y a du vent. Double avantage, j’ai un peu moins peur qu’il lui arrive quelque chose et elle peut faire les boutiques. Les quatre autres stagiaires sont sérieux et ne me regarderont pas avec des yeux grands comme des soucoupes lorsque je demanderais quelque chose. Et puis il y a un truc, quelque soit le niveau du stage, si on y va pas pour que les stagiaires se rendent compte vraiment de ce que c’est que du vent fort, ils seront immanquablement frustrés. Il faut au minimum pointer son museau dehors. Nous voilà donc partis vers onze heure du matin, les nœuds, topo sur bulletin météo, calculs de marée, cela prend du temps. Il y a un bon six dans le chenal mais la mer reste peu agitée, cela reste maniable et un stagiaire peut barrer. Nous remontons vers Port La Forêt avec éventuellement une escale au ponton pour le déjeuner. Trois ris et solent sont de rigueur. Le bateau gîte et on apprend à la réguler avec la grand voile. Vers midi les rafales se transforment en force 7 constant, le bateau n’est plus tenable comme cela. Je m’attache et vais à l’avant prendre un ris dans le solent, accompagné par un stagiaire pour m’aider, cela va mieux mais ce n’est pas vraiment top. Nous décidons de rentrer, nous abattons mais la mer s’est un peu formé et cela devient très difficile pour les stagiaires de barrer, je prend donc cette place et effectivement ce n’est pas facile de stabiliser le bateau, le bateau roule et les vagues le font lofer brutalement. Trois quart d’heure plus tard nous sommes de nouveau au ponton à Concarneau, courte sortie mais efficace, et puis j’ai pris mon pied en barrant dans du vent fort. Nous déjeunons au port dans le cockpit car s’il vente, le soleil est bien là. Nous retrouvons Princesse qui a trouvé la ville close « Absolument Formidaaable !!! » L’après midi se passe en topos dans la grande salle, balisage, spi et matelotage. Pendant le topo sur le spi, Princesse nous étonne encore lorsque je demande ce qu’il faut faire après avoir brassé, un stagiaire répond « border l’écoute » et Princesse « Oui, bien sûr, border l’écoute, c’est évident », là on s’est tous pincé.
Mercredi encore du petit temps, nous naviguons entre la baie et l’archipel répétant les manœuvres qui commencent à être beaucoup plus fluides. Le vocabulaire est aussi bien mieux assimilé, nous avons passé un cap. Nous aurons encore l’occasion d’envoyer le spi.
Jeudi pétole, pas un souffle d’air en arrivant sur le bateau. Nous partons tout de même mais arrivé à la Médée le plan d’eau est lisse, ce n’est pas la peine. Nous allons commencer pas une séance manœuvres de port, tout le monde y passe, j’ai dit tout le monde. Puis nous filons vers l’archipel car avec plusieurs bateaux nous avons décidé d’aller faire un mouillage à La Pie, une première pour nous tous. Nous y arrivons vers 15 heures aidés par une brise naissante. Une petite heure pour déjeuner et nous relevons l’ancre, car nous avons un topo sur l’équilibre alimentaire à bord organisé par notre ami Bertrand à 18h30 pétantes. Si on met autant de temps au retour qu’à l’aller, ce n’est pas gagné. Heureusement un sud ouest 3 à 4 s’est enfin établi. Nous renvoyons le spi et à 18 heures nous ne sommes plus très loin du Cochon à l’entrée du chenal. Le vent est bien tombé. A la demande des stagiaires nous enchaînons quelques empannages sous spi. Comme le souffle est faible et que les empannages se sont bien passés je propose d’embouquer le chenal sous spi. Il y aura deux empannages à faire pour arriver à la ville close. Le premier se passe très bien, mais malheureusement les chalutiers ont décidé de tous sortir en même temps et les voyant se pointer au loin, nous affalons le spi en urgence histoire de pouvoir réagir vite. Nous restons sous grand voile seule et affalons devant l’entrée. Je n’ai plus besoin que dire quoique ce soit je regarde, tout le monde s’active et le bateau rentre au catway avec un stagiaire à la barre et à la manette des gaz.
Le lendemain est hélas le dernier jour, une petite sortie de deux heures avant de revenir pour nettoyer le bateau et les chambres. On se balade un peu dans la baie, Princesse avait déjà décidé la veille de ne pas venir avec nous, tout le monde barre un moment et il nous faut hélas rentrer.
Bilan du stage, à part une exception, des stagiaires au niveau à peu près homogène qui ont bien progressé cette semaine. Cerise sur le gâteau, j’ai passé une semaine avec des jeunes gens extrêmement sympathique. Ce stage restera un très bon souvenir pendant longtemps. Mathilde, Sébastien, Umberto et Kévin j’espère vous revoir un jour et ce qui me ferait le plus plaisir c’est de savoir qu’un jour vous reprendrez le flambeau et deviendrez à votre tour moniteur, tous les quatre vous en avez déjà l’esprit.
Amitié émue à tous.
Père Castor.